Le géostandard accessibilité

octobre 2021

La mise à jour de données géographiques de grande précision, aussi appelées HD Maps ou micromapping suivant les communautés est un enjeu essentiel pour de nombreux domaines, qu'il s'agisse de la génération de cartes pour publics en situation de handicap visuel, ou pour alimenter les systèmes de transport intelligents coopératifs.

Si jusqu'à présent, les seules sources réellement exploitables avec une précision suffisamment grande étaient des bases de données propriétaires, l'initiative récente du Ministère de l'Environnement, en application de la loi d'orientation des mobilités (LOM) pourrait faciliter la constitution d'une base de données collaborative, issue d'une collecte régulière et coordonnée par les collectivités locales.

Normalisation des données d'accessibilité voirie

La loi d'orientation des mobilités (publiée au Journal Officiel le 24 décembre 2019) a prévu l'obligation pour les collectivités gestionnaires de voirie de créer des bases de données décrivant l'accessibilité du cheminement pour alimenter les calculateurs d'itinéraires et permettre aux personnes handicapées de construire des trajets accessibles. Un décret paru le 29 juin 2021 précise que ces bases de données doivent suivre le modèle national afin de présenter des données normalisées et interopérables.

Le Ministère de l'Environnement travaille depuis 2020 à la conception d'un standard de données, piloté par le CNIG et en collaboration avec le CEREMA, les professionnels du domaine et des représentants des personnes concernées. Le géostandard d'accessibilité qui en résulte a fait l'objet courant 2021 d'un appel à commentaires, auquel les membres de l'équipe Compas du LIMOS ont participé.

Extrait du géostandard proposé pour décrire la voirie en terme d'accessibilité Capture d'écran de la page d'appel à commentaires sur le géostandard

Ce géostandard d'accessibilité permettra à court terme la mise à disposition par de plus en plus de collectivités d'une donnée précise, à jour, et reflétant leur territoire sur les problématiques de la mobilité douce.

Du point de vue de beaucoup de collectivités locales de métropoles et de territoires dynamiques, pour qui le processus de collecte de ces données a déjà été entamé, il s'agira de mettre en ordre et de mettre à jour des données qu'elles ont déjà travaillé à collecter, notamment dans le cadre d'audits d'accessibilité confiées à des entreprises spécialisées sur la question, comme l'entreprise Wegoto, avec qui l'équipe Compas a mené le projet OD4M, et qui a participé en tant qu'experte à la définition du géostandard d'accessibilité national.

OpenStreetMap, une base de données collaborative

En marge de ce travail institutionnel, la communauté OpenStreetMap (OSM) travaille depuis de nombreuses années à la cartographie des territoires urbains, en travaillant de plus en plus finement à la description des itinéraires de mobilité douce et de leur accessibilité.

Cette base de données souffre à la fois des avantages et des inconvénients associée aux bases de données collaboratives: la majeur partie des territoires nationaux sont aujourd'hui décrits dans OpenStreetMap, mais avec une très grande hétérogénéité de la qualité de la donnée. Certains territoires sont ainsi extrêmement bien documentés, notamment en ce qui concerne les cheminements piétons et leur accessibilité (par exemple sur la commune d'Orange), quand pour d'autres territoires on rencontre une modélisation très limitée (souvent réduite à une description sémantique associée au filaire principal de la voirie).

L'autre frein à l'utilisation massive de ces données collaborative est le manque d'information sur la précision géographique des données. En effet, il est communément entendu que la précision du tracé du cadastre importé dans OSM est de l'ordre du mètre, et la plupart des tracés plus récents ont été réalisés en s'appuyant sur des orthophotos dont la résolution est de l'ordre de 20 à 50 cm par pixel.

Vers une convergence des données OpenStreetMap et des OpenData des collectivités ?

Si la mise à disposition des données en OpenData par les collectivités se confirme à la suite de l'impulsion du Ministère de l'Environnement, on peut dès lors imaginer une intégration progressive de ces données dans OpenStreetMap, afin d'en consolider la qualité de données, et pour l'enrichir d'informations actualisées.

Cependant, plusieurs nœuds demeurent, qu'il faudra réussir à identifier précisément, et à contourner:

  • La qualité de la donnée collectée par les collectivités locales est encore une inconnue, notamment d'un point de vue précision géographique, là où les systèmes de transport intelligents coopératifs pourraient nécessiter des précisions de l'ordre du centimètre. Une étape essentielle de ce travail sera de montrer, à partir des données déjà collectées et mise à disposition par les collectivités les plus actives que la précision obtenue correspond aux standards attendus.
  • Le géostandard d'accessibilité envisagé par le groupe de travail national ne couvre certainement pas exactement ce que la communauté OSM a choisi de représenter dans la base de données collaborative. Il sera donc essentiel d'identifier les correspondances possibles, mais également d'améliorer au fil du temps la couverture de ces correspondances, par exemple en faisant à la communauté OSM des propositions de formalisation des données manquantes.
  • D'un point de vue pratique, une fois cette correspondance formalisée, il sera nécessaire de la concrétiser par le développement d'un outil de traduction de bases de données définies dans le standard d'accessibilité vers une représentation suivant le schéma d'OpenStreetMap.
  • L'un des défis techniques et scientifiques qui persiste est la mise à jour de la donnée OSM à partir de données plus précises au même format. La fusion de données géographique est une question sur laquelle la communauté géomatique a produit une littérature qui devra être sollicitée, afin de proposer un outil fonctionnel.
  • Cependant, il sera essentiel de prendre en compte la philosophie incarnée par les contributeurs et contributrices à OSM qui sont en général plutôt réticent·e·s à l'utilisation d'outils automatiques d'import. Il sera probablement nécessaire de proposer un outil d'assistance à l'import des données OpenData, en séparant en petites contributions l'intégration de ces données, dans une approche interactive où l'humain jouera un rôle central.

De manière symétrique, on peut aussi envisager la transformation inverse, en proposant un outil de conversion des données OpenStreetMap vers le géostandard d'accessibilité, pour permettre aux collectivités de s'appuyer sur le travail déjà réalisé par les contributeurs et contributrices de leurs territoires. Il s'agit là aussi d'une question ouverte que l'équipe de Compas de propose d'explorer dans les prochains mois.

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